BOB MORANE


1ère Moitié 1992



2ème Moitié 1992


1993



1994



1995

Tel l'acteur inspiré, déjà absorbé par le rôle qui lui a été confié mais angoissé à l'idée de revêtir une nouvelle peau, Patrice Sanahujas était intimidé par le personnage de Bob Morane avant même de dessiner un nouveau visage au héros d'Henri Vernes.
Au contraire de ces univers de science-fiction que l'artiste sait si bien créer mais qui sont le produit intégral de son imagination, celui de Bob Morane lui est connu de longue date, sur les plans tant littéraire que graphique.
Professionnellement, la rencontre se fait en deux temps et, pour la situer, il nous faut remonter en 1989. A cette époque, Patrice Sanahujas collabore avec André-Paul Duchâteau qui écrit les aventures du privé rémois Serge Morand au patronyme suggérant une prédestination. Son scénariste lui présente à la Foire du Livre de Bruxelles l'éditeur Claude Lefrancq, pétri de cette littérature que l'on appelle " populaire ".
Sanahujas rêve de transposer en bande dessinée Le monde perdu de Conan Doyle, ce qui sera bientôt chose faite dans le cadre de cette nouvelle collaboration, en deux albums d'une grande pureté de trait méticuleusement documentés, sur une adaptation du même Duchâteau. Et Le monde perdu ne se situe-t-il pas aux sources même de l'œuvre d'Henri Vernes ?
Or la même année, Patrice Sanahujas voyageant pour une séance de dédicaces note dans le train une jeune passagère qui lit un Bob Morane … Arrivé au festival de Sierre, il rejoint Claude Lefrancq qui lui demande bientôt s'il souhaiterait illustrer … les romans d'Henri Vernes.
La proposition séduit Sanahujas autant qu'elle l'impressionne. Il s'agirait en effet d'illustrer les nouvelles aventures de Bob Morane, certes, mais aussi de nombreuses rééditions. Que faire donc après un Joubert ?
Ce monde, s'il est parfois étrange, ne lui est pas pour autant totalement étranger, car l'artiste a aussi conçu le projet d'une adaptation dessinée du Malpertuis de Jean Ray, une démarche qui ne peut que le rapprocher plus encore de l'imaginaire d'Henri Vernes.

La première rencontre entre l'écrivain et le dessinateur se fait dans le cadre de la Foire du Livre de Bruxelles en 1990; Henri Vernes se montre sensible au talent du Rémois et leur collaboration débute d'emblée sur une base de confiance … d'autant plus que, parfois, le roman n'existe encore qu'à l'état d'idée. C'est alors sur une simple ligne directrice que doit se baser l'illustrateur. En termes de méthode, on assiste là à un retour aux sources, à l'âge d'or des Marabout Junior au rythme de parution effréné, dans les pages desquels le héros voit le jour le 16 décembre 1953.
S'il fallait très grossièrement le quantifier, le chapitre moranien de l'œuvre de Patrice Sanahujas donnerait au comptage 9 couvertures et 129 illustrations de romans, auxquelles viennent s'ajouter 3 couvertures d'albums.
Mais le lecteur-consommateur ignore tout quant à la gestation de la véritable œuvre d'art qu'est la couverture couleurs. Tout comme le format poche du roman - réducteur pour commettre un mauvais jeu de mots - ne laisse en rien soupçonner les grandes dimensions (70 centimètres sur 50) du travail abouti, une huile sur papier.
Après avoir été informé du thème, le dessinateur rassemblait et classait son abondante documentation, pour répondre à son goût prononcé pour la précision.

Première esquisse en noir et blanc, très petit format; agrandissement en bleu à taille presque réelle pour étudier la lumière; nouvelle réduction pour ajuster l'équilibre des couleurs; crayonné sur le support final et première mise en couleurs à l'acrylique : les étapes initiales permettent à l'artiste de doser toutes les composantes.
Le séchage est voulu rapide, pour avancer sans tergiverser. Commence alors le travail à l'huile; les pigments anglais aux teintes franches sont additionnés d'une résine, une nouvelle fois pour faciliter le séchage.
Le grand format va garantir une bonne résolution des détails sur la couverture imprimée, mais la composition doit naturellement intégrer certains impératifs de typographie - l'emplacement du nom de l'auteur et du titre entre autres mentions.
L'aboutissement, empreint de toute la sensibilité de son auteur, est une frappante alchimie de minutie et de rapidité, de fragilité et de puissance.
Lorsqu'il s'agit d'art, que nous faut-il admirer ? La fresque monumentale à la gloire de héros légendaires ou la couverture d'un roman d'aventure ? Sachant qu'il révérait ces Pompiers, peintres aujourd'hui méconnus, on comprendra mieux encore que l'illustrateur ait élevé au rang d'art son interprétation graphique de Bob Morane et les lecteurs ne s'y sont pas trompés, unanimes dans leur admiration.
Patrice Sanahujas peignait avec le sourire et c'est là que l'Art, modestement, s'empreint à son tour d'Humanité.

1996

"Cycle de l'Ombre Jaune"

"Cycle du Temps"