RUE DES ORPHELINS

 

à Sana...

 

Tu vivais rue des Orphelins
avec femme et fils au premier,
en bas s'étalait l'atelier.
Penché sur ta planche à dessin,
avec un poil de martre tu défiais
les traits d'un monde manichéen.
Tu servais Vernes au petit pied
sans faire le Jules, lâchant le frein
de ta verve avec tes ballons
au gré du vent - rêve, vol vers
l'étrange où s'essuient des revers
manche après manche à rebonds.

Sana sonnait comme un hommage
au Don, je revois ton image.

Penché au balcon pour la pause,
casses-tu ta pipe au bec déjà,
la force du destin face à l'hos-
pice de l'Enfant-Jésus quand s'a-
chève ton Monde Perdu, rue des Or-
phelins - Simon et Sylvain or-
chestreront ton silence et Martine
restera ta seule héroïne.

Peut-on vivre rue des Orphelins
sans que nous rattrape le destin ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Patrick Mouze alterne l'enseignement du français au collège avec l'écriture de romans et de poèmes. Ami de Patrice Sanahujas depuis le lycée où ils passèrent leur bac philo ensemble, ce professeur excentrique et désabusé membre de l'éminent collège de Pataphysique réunit en 2004 dans son ouvrage "REIMS l'amère ville (ma somme)" (éd. Le Cancre), des textes tournant autour de la ville qui l'a vu naître et qui, vraisemblablement et selon ses propres termes, le verra mourir. "Rue des Orphelins" est un poème rédigé l'année de la mort de Patrice Sanahujas tiré de ce recueil.